Le phare Cap Spartel, une lumière qui éclaire le Détroit de Gibraltar depuis 160 ans

Description

Mis en service le 15 octobre 1864, le phare de cap Spartel est le plus ancien phare du Maroc encore en activité. Il tire son nom du cap qu’il surmonte, le Cap Spartel. Il s’agit d’un promontoire rocheux haut de 250 mètres, situé à l’extrême nord-Ouest du Maroc, à 15 kilomètres de Tanger, au point de rencontre entre Méditerranée et Atlantique, en face de la pointe extrême de l’Europe, marquant ainsi l’entrée sud du Détroit de Gibraltar du côté de l’Atlantique. Venons-en à son histoire peu connue, une histoire qui regorge de détails truculents sur la question de l’éclairage du littoral atlantique marocain et qui nous aideront à mieux connaitre et apprécier les contours, le choix du site, les modalités de construction et de fonctionnement à un moment très délicat de l’histoire du Maroc.

Tanger, la clé de la Méditerranée-Atlantique, elle est aussi la clé du Maroc

Au XIXe siècle, Tanger, la ville la plus européenne du Maroc, entretenait des relations commerciales suivies avec le Vieux-continent, drainant vers elle l’essentiel du trafic commercial. Ses marchés regorgeaient de denrées devenues de plus en plus nécessaires. Elle disposait d’une église catholique, d’un hôpital construit par la France dès 1844, de deux bureaux de poste reliés à l’Europe, l’un espagnol et l’autre anglais. Le nombre des ressortissants européens augmenta d’une manière significative. Mais, après 1860, ce sont les Espagnols qui forment désormais le plus clair des expatriés européens à Tanger, soit 60%. Elle reste aussi le lieu de résidence des ministres plénipotentiaires et des légations européennes accréditées au Maroc.

Le contexte de la construction du phare

La construction du phare sur la rive africaine du détroit de Gibraltar a été décidée en 1861 par le sultan Sidi Mohammed B. Abderrahmane (1859-1873). La ville de Tanger avait été promue capitale diplomatique du Maroc dès la fin du XVIIIe siècle et était devenue, au fil du temps, un lieu incontournable pour le commerce maritime. Nonobstant, les caprices du vent et des brisants du Détroit de Gibraltar causaient de nombreux naufrages. Le plus dramatique de tous est sans doute le naufrage de 1860, de la frégateécole « Doña Isabel » au large de Tanger, qui avait entraîné la mort de 250 jeunes cadets de la Marine brésilienne. A cela, s’ajoute la pression exercée par les représentations diplomatiques européennes sur le Maroc au fur et à mesure que la faiblesse du pays s’étalait au grand jour, associée au contexte international avec l’ouverture imminente du canal de Suez et la présence militaire britannique à Gibraltar. Déjà, le 30 juin 1852, la commission des phares avait présenté le projet de l’établissement d’un phare sur le cap Spartel. Au cours de cette séance, la Commission avait au préalable pris connaissance d’un rapport du consul Français à Tanger, Jager-Schmidt qui insistait, en ces termes, sur l’importance stratégique du projet : « le Cap Spartel est l’un des points du globe dont l’éclairage serait le plus utile à la navigation, et il serait digne des nations chrétiennes de s’unir pour élever et entretenir à frais communs un établissement qui apporte essentiellement aux intérêts généraux de l’humanité » .

Archives nationales de Frances 20090296/10, [Etablissement d’un phare sur le cap Spartel] : http://bibliothequedesphares. fr/registres/18520630_Spartel.

Le phare de Cap Spartel, phocal de la navigation venant de l’Atlantique ou y entrant Une fantaisie de brique, de forme et de couleur

La conception du phare fut confiée à l’ingénieur et architecte français François Léonce Reynaud, qui était directeur du Service des phares et balises et qui avait supervisé la construction d’une douzaine de phares français, dont le phare emblématique de Bréhat et le phare d’Ar-Men. Pour Raynaud, les phares « réclament une grande solidité et une exécution parfaite… et leur beauté doit consister uniquement dans le mérite des dispositions, dans l’harmonie des proportions et dans ce caractère monumental qui se concilie avec la hardiesse de la construction ».

La construction fut conduite par Léon Jacquet qui, dès le démarrage, se plaignait, dans une lettre adressée à Reynaud, des difficultés rencontrées, notamment du manque de matériaux et de main-d’œuvre qualifiée : « Ici, tout va manquer ». . Au début des travaux, le personnel ordinaire est composé de deux anciens ouvriers du chantier des Barges, un appareilleur, Charlot, et un tailleur de pierre, Merian, bientôt rejoints par deux autres artisans. Mais, Reynaud tente de « le convaincre de porter un regard plus constructif sur les ressources matérielles et humaines du pays, dont il doit tirer le meilleur parti ».
La construction fut conduite par Léon Jacquet qui, dès le démarrage, se plaignait, dans une lettre adressée à Reynaud, des difficultés rencontrées, notamment du manque de matériaux et de main-d’œuvre qualifiée : « Ici, tout va manquer ». . Au début des travaux, le personnel ordinaire est composé de deux anciens ouvriers du chantier des Barges, un appareilleur, Charlot, et un tailleur de pierre, Merian, bientôt rejoints par deux autres artisans. Mais, Reynaud tente de « le convaincre de porter un regard plus constructif sur les ressources matérielles et humaines du pays, dont il doit tirer le meilleur parti ».

La tour et le bâtiment sont couleur chamois, avec des décors en briques rouges. Reynaud, se voulait rassurant, y apporta de nombreuses modifications, appuyées de croquis et suggéra d’adopter plus largement la brique locale. Le chantier va à bonne allure. Les travaux s’achèveront au bout de trois ans et le feu s’illumine enfin le 15 octobre 1864, en haut d’une tour massive de 24 mètres.
Le phare de Cap Spartel fut d’abord équipé du dispositif puissant de Fresnel avec son système à lentilles à échelons successifs. Depuis, il gagna en puissance, de 6000 bougies décimales à 20.000 en 1912, puis à 300.000 en 1931, avant de passer à l’utilisation de l’électricité. En 1954, on procède à la transformation de l’optique du phare en augmentant sa puissance qui atteint 6000 watts . Trois ans plutôt, une amélioration importante a été réalisée avec la restauration du phare et l’installation d’un radiophare .
Actuellement, le dispositif d’amplification et de guidage des signaux lumineux a beaucoup évolué et s’est adapté aux besoins du moment et fonctionne désormais de façon automatique.

Quant à son maintien en service, il sera assuré par une commission de 10 membres du corps diplomatique qui s’engageait également à respecter la neutralité du phare, comme il ressort de l’article premier de la convention internationale signée le 31 mai 1865 entre les principales puissances intéressées à savoir la France, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, les Etats-Unis d’Amérique, la Grande-Bretagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède et le sultan du Maroc, et qui stipulait que : « S. M. Chérifienne ayant, dans un intérêt d’humanité, ordonné la construction, aux frais du gouvernement marocain, d’un phare au cap Spartel, consent à remettre, pour toute la durée de la présente convention, la direction supérieure et l’administration de cet établissement aux représentants des puissances contractantes».

C’est à cet effet que fut constituée la commission internationale du phare du Cap Spartel, chargée d’établir et de gérer le budget du fonctionnement du phare et de proposer les travaux de premier établissement qui peuvent s’avérer nécessaire . A partir de 1920, sa gestion sera confiée, à l’image du reste des phares et balises du pays sous protectorat français, à la direction du port de Casablanca .

Pour ce qui est des aspects techniques et du système d’éclairage, de nombreuses améliorations techniques verront le jour. Le phare de Cap Spartel fut d’abord équipé du dispositif puissant de Fresnel avec son système à lentilles à échelons successifs. Depuis, il gagna en puissance, de 6000 bougies décimales à 20.000 en 1912, puis à 300.000 en 1931, avant de passer à l’utilisation de l’électricité. En 1954, on procède à la transformation de l’optique du phare en augmentant sa puissance qui atteint 6000 watts . Trois ans plutôt, une amélioration importante a été réalisée avec la restauration du phare et l’installation d’un radiophare .
Actuellement, le dispositif d’amplification et de guidage des signaux lumineux a beaucoup évolué et s’est adapté aux besoins du moment et fonctionne désormais de façon automatique.

le statut international du Maroc (1906-1956) », in Guerres mondiales et
conflits contemporains, 2005/ 3, n° 219, pp.103-112.
Jules Basdevant, Traités et conventions en vigueur entre la France et les
puissances étrangères, t. 3, Paris, Imprimerie nationale, 1920, p. 738.
« Note sur la signalisation maritime de la côte atlantique du Maroc », Bulletin
économique et sociale du Maroc, n° 69, juin 1956, pp. 131-133.
Najib Cherfaoui & Hammadi Doghmi, Résiliences, système portuaire du
Maroc de la naissance à 2060, Casablanca, Sciences de l’Ingénieur, 2009, p.
78, n. 9. Ibid. pp. 64-65.
Voir le beau livret dédié aux Phares du Maroc, publié par le ministère de
l’équipement du transport et de la logistique, 2016, pp. 38-40.
« Note sur la signalisation maritime… », p. 133.

Le besoin d’éclairer la rive africaine du Détroit de Gibraltar s’est imposé plus que jamais au milieu du XIXe siècle. Sa situation géographique exceptionnelle au carrefour des routes maritimes les plus fréquentées du globe explique largement le choix de Cap Spartel pour abriter le premier phare de la façade atlantique du Maroc. Outre son caractère fonctionnel, le phare de Cap Spartel offre une réelle beauté architecturale, en phase avec la culture locale. Plus d’un demi-siècle plus tard, l’éclairage de la façade atlantique marocaine se généralisera au bonheur des voyageurs et des navigateurs du monde entier

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