UN MUSEE CONSACRE AUX ANES… A TANGER
Abdou Benattabou, comme beaucoup d’enfants qui ont grandi en ville, s’est familiarisé avec les animaux grâce à la télévision. Né à Khmisset mais ayant grandi à Rabat, ce sont les documentaires animaliers qui ont éveillé sa curiosité quand il était petit. Plus tard, diplômé en cuisine à Ouarzazate avec d’excellents résultats, il bénéficie d’une bourse pour venir étudier à Tanger au sein de l’ISIT, l’institut de tourisme. Nous sommes en 2004, la ville commence à très fortement s’urbaniser, mais il reste quelques îlots de nature sauvage et Abdou observe les cigognes qui, jusqu’en 2007, continuent leur migration vers Malabata près de l’Oued El Maleh.
Lors de ses études en tourisme, il se rend compte d’un fait erroné : le chameau (en réalité, le dromadaire) est le seul animal de communication marocain auprès des touristes. Or, pour lui, la cigogne représente davantage le Maroc, tout comme d’autres animaux totem : le macaque de Barbarie,le phoque-moine, la tortue grecque (qui est interdite d’exploitation) et l’âne. Quand il doit réfléchir à un modèle économique pour développer la région dans le cadre de ses études, il se penche sur ces animaux oubliés et décide de consacrer un lieu pour les célébrer. Très vite, il pense à un Musée de ces animaux, puis abandonne l’idée en se lançant dans le tourisme à Chefchaouen. Mais le rêve persiste.
En discutant autour de lui, il réalise à quel point l’âne capitalise une sympathie spontanée chez les intellectuels, auteurs, artistes et libraires à qui il se confie. L’âne deviendra donc le porte-parole des autres animaux « muets » et un musée lui sera intégralement consacré.
Au départ, un petit local dans le quartier espagnol est ouvert, mais le lieu n’est pas assez passant et il faut se résoudre à chercher ailleurs. Début 2022, le rêve se concrétise enfin avec le dernier étage de l’atelier 49 (dans la montée de la Kasbah) où depuis quelques semaines, Abdou raconte à qui veut l’entendre toutes les histoires d’ânes qui nourrissent l’imaginaire collectif. Livres, tableaux, oeuvres d’art, objets, papeterie, le lieu célèbre modestement (mais avec une archive des plus étoffées) un animal symbole de la Méditerranée, ré-introduit en Europe à l’époque des conquistadors.
Abdou est incollable sur toutes les anecdotes qui concernent les ânes au Maroc. De Benguerir, ville qui utilise encore l’âne comme principal moyen de locomotion à l’histoire de son arrière-grand-mère Anna Fatouma, qui participait aux fantasias, il rappelle un fait majeur qui rend l’âne encore plus attachant : ce dernier est un animal que l’on ne dresse pas (comme le cheval), mais que l’on éduque (comme un enfant). Un âne ne ferait rien qui puisse le mettre en danger. Avec cette initiative originale et insolite, l’occasion de réhabiliter l’image mythologique de l’âne (qui a disparu des grands centres urbains au Maroc) nous
est offerte par Abdou.
Musée de l’Ane
Dernier étage du 49, montée de la Kasbah (même immeuble que Les Singulier et Rock da Kasbah). Ouvert du mercredi au dimanche.
Page Facebook : Donkey Museum of Tangier