Avec le regard de Rita: la 24ème Édition du Salon du Livre de tanger
Enfin Tanger, la porte de l’Afrique, retrouve les lettres et les notes de musique après deux ans d’interruption. Enfin la ville du détroit renouvelle ses retrouvailles avec écrivains, poètes et musiciens au masculin comme au féminin, venus des deux rives de la Méditerranée. Pour ces journées tangéroises, les éditeurs marocains sont au rendez-vous tout comme le public, dans le magnifique Palais Moulay Hafid et son jardin.
C’est à l’initiative de l’Institut français de Tanger qu’a lieu cet événement culturel concrétisé cette année par son directeur Olivier Galan, entouré de son équipe dynamique et efficace dans l’organisation et la logistique. La thématique choisie est le lien entre littérature et musique, poésie et musique. Conférences et Tables rondes réunissent écrivains et musiciens pour évoquer le choix des mots en poésie, en prose et dans le chant, l’importance du rythme et de la musicalité d’un texte. L’inauguration de la 24e édition est suivie d’une Table ronde concernant le lien entre poésie et musique en présence notamment du poète, écrivain et batteur français, Jean-Michel Espitallier pour évoquer la musicalité des mots et la place du silence. A noter aussi la présence, comme modératrice, de Stéphanie Gaou, libraire militante et tangéroise d’adoption. Une autre Table ronde est consacrée à la musique dans la Bande dessinée, avec Gilles Poussin, pour une mise en perspective historique et la présence de la jeune auteure marocaine, briseuse de tabous, Zainab Fassiki pour sa BD, Hchouma, récompensée à Angoulême par le prix du courage artistique en 2022. La ville de Tanger est également évoquée comme carrefour d’influences littéraires et musicales, qu’il s’agisse de la musique gnaoua, du jazz, de la musique classique, du rock, du slam et du rap avec le concert de la chanteuse Casey au flow incisif avec son dernier album Ausgang, suivi du concert du Rappeur polyglotte marocain Le7 de 7MZ. Un spectacle intitulé Love and Revenge fait d’électro-pop musique et de séquences de films muets égyptiens a lieu au Cinéma le Ritz. Ce spectacle attire un public jeune par le son très rock du joueur de luth arabe, du clavier et du dj aux platines pour accompagner des scènes d’amour, voire érotiques, assez inhabituelles dans le cinéma marocain actuel.
Le Printemps du Livre et des Arts offre un programme jeunesse qui s’adresse à un public scolaire avec différents ateliers d’écriture, d’illustration et de musique assurés su place par des auteurs et musiciens. La présence enthousiaste des enfants aux stands a donné une note de gaité à la manifestation. Toutefois, il convient de s’interroger sur la place du livre dans la société marocaine. Le Maroc occupe la 162ème place mondiale pour la lecture et 97% des enfants de 7 à 14 ans ne pratiquent pas la lecture au Maroc. Seulement 4% des Marocains on recours à une bibliothèque par an. Ce constat est à l’origine de l’offre des Éditions le Manifeste qui proposent l’accès au livre numérique et audio (en arabe, amazigh et français) et à une mise en réseau de bibliothèques publiques. L’offre numérique actuelle ne représente que 8% des différents genres littéraires. Pour la développer, Les Éditions Le Manifeste développent des partenariats au Maroc avec des maisons d’éditions et des établissements scolaires et ciblent également les pays francophones du continent africain. Une autre initiative novatrice est proposée par la maison d’édition, de production et d’ingénierie culturelle Langages du Sud basée à Casablanca et représentée par le responsable de communication Pape Mamadou Mbengue, originaire du Sénégal. Les publications, qui sont aussi des projets collectifs, se font en arabe en français et en anglais et incluent des collections jeunesse comme Aïcha raconte (l’artisanat, les villes, etc.) ou Lina et Adam (découvrent l’art/ le corps et l’eau, etc.). Le financement des ouvrages se fait par des sponsors privés essentiellement. Parallèlement à la promotion du livre, de l’écriture, de la lecture et de la création musicale, le public tangérois pouvait découvrir deux expositions de photographie à la Galerie Delacroix et à l’Institut Cervantes. Les œuvres exposées étaient celles de deux jeunes photographes disparues tragiquement : Leila Alaoui victime d’un attentat terroriste à Ouagadougou alors qu’elle faisait un reportage pour Amnesty International et Camille Lepage également victime d’un attentat en tant que photoreporter en Centre Afrique. Un hommage émouvant leur a été témoigné pendant ces journées. Le Printemps du Livre et des Arts a été un rendez-vous attendu à Tanger aussi bien par les auteurs et autrices que les lecteurs et lectrices. Renault en a été le sponsor officiel, de même que des partenaires dans le secteur de la culture, de l’hôtellerie et des médias sous l’égide de l’Ambassade de France du Maroc et l’Association Tanger action culturelle. Ces Journées dédiées au Livre, à la Musique et à la Photographie ont été une réussite. A l’année prochaine pour la découverte de nouveaux horizons artistiques.